Chroniques "Other voices in safety places"

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Mona Kazu - Other voices in safety places cover

22 avril 2013 - Indie Music

Avril 2013, sur le label Falls Avalanche Records, le trio bourguignon Mona Kazu nous livre son premier album « Other voices in safety places ». Un savoureux mélange d’ambiances electro-trip-pop-rock, porté par la voix douce et mystérieuse de sa chanteuse qui sait à la fois caresser et griffer dans un univers quasi fantomatique, aux accents de rage captivants.

La formation de Priscille Roy (chant, clavier, autoharpe), Frank Lafay (guitare, mandoline, programmation, percussions) et Stéphane Gellner (basse, percussions) nous prouve une fois de plus que la scène indie française regorge de véritables trésors en matière de musique inspirée et inspirante.

Mélodies et atmosphères épurées mais intenses, force contenue et tendue, tout est fait pour mettre en valeur la voix légère, mais impressionnante de Priscille. Aérien et envoûtant, le chant se fait tour à tour audacieux, charmeur, presque mystique dans ces plages d’évasions sombres, mélancoliques tantôt au goût de danger tantôt propice au rêve.

Textes poétiques et hypnotiques, la plume se joue des conventions et virevolte entre langue française, anglaise et allemande donnant la part belle aux sonorités de chacune, sans jamais nous laisser en chemin. L’humeur reste pudique, mais toujours généreuse.

Alliant un son à la fois noble et moderne, « Other voices in safety places » nous ouvre dès le premier morceau les portes d’un autre monde, où le froid côtoie la fièvre, où la tempête succède au calme apaisant des ballades qui ne tombent jamais dans la mièvrerie et la facilité, l’exercice périlleux de funambule est réussi. Si le fond semble noir, inquiétant, tortueux, propice à l’introspection et à la limite parfois de la lamentation, la forme reprend vite le dessus, nous emmenant avec sensualité, férocité dans des échappatoires enchanteresses, confortables, lumineuses et rassurantes.

Mona Kazu pourrait se situer entre Pj Harvey (« Let England Shake »), Tori Amos, Hopper, Émilie Simon et Cécile Corbel. Difficile de classer l’inclassable, ceci dit, le style du trio remporte avec brio le défi d’une musique à la fois atypique, sensible et sans fioriture où tout semble utile, beau et magique.

« Other voices in safety places » de Mona Kazu est sorti ce lundi 22 avril 2013 chez Falls Avalanche Records.

Géraldine Le Came

28 mai 2013 - À Découvrir Absolument

Chronique / interview

Inquiétante, ouverte (aux instruments, aux langues, aux styles musicaux), la musique de Mona Kazu serait bien difficile à ranger dans une quelconque catégorie. A l’origine du groupe et de l’album « Other Voices In Safety Places », la réunion de trois amis : Franck (guitare, mandoline, programmation, percussions), Priscille (clavier, autoharpe, chant) et Stéphane (basse, percussions).

Priscille : « Nous nous connaissons tous de longue date, Steph et moi avons même joué ensemble dans le passé, dans un groupe qui s’appelait Blumen. Franck nous avait accompagné en tant que tech son sur notre dernière tournée, avant notre passage aux Eurocks de Belfort en 2005. Nous avons vécu les longs trajets en camion, les moments d’osmoses sur scène et aussi les galères, ça crée une certaine connivence. Et puis, nous avons forcément des affinités, des influences musicales similaires tous les trois, même si chacun conserve ses propres préférences. C’est forcément plus facile de jouer et de créer un univers musical quand au départ quelque chose vous lie ».

Franck confirme : « J’ai rencontré Priscille et Stéphane il y a longtemps alors que j’étais technicien son. Je faisais déjà de la musique, et nous avons évolué parallèlement dans nos différents groupes avant de se retrouver pour créer Mona Kazu ».

Une osmose amicale pour un disque qui, bien que son attraction hypnotique soit limpide et cohérente, semble néanmoins provenir de différents horizons musicaux s’étant assemblés sans forcing, avec le naturel des grands alchimistes.

Priscille : « Franck et moi écoutons et allons voir en concert pas mal de groupes de différents styles. Ça nous influence forcément, même si je pense que ce n’est pas notre seule source d’inspiration. Je citerais des univers comme celui de Laetitia Sheriff, Shannon Wright, Troy Von Balthazar, Nine Inch Nails, Portishead, Chokebore dont la tournée de reformation l’année dernière nous a enthousiasmé et fait parcourir des kilomètres pour assister à plusieurs de leurs concerts, Girls Against Boys... ».

Franck : « D’abord le processus d’écriture des morceaux qui constituent l’album a été assez étalé dans le temps, certains morceaux ont plus de deux ans maintenant. La composition pour la plupart d’entre eux a été assez spontanée, sans référence évidente de prime abord. Cela dit, pour deux ou trois morceaux, on avait effectivement des idées assez marquées sur la façon dont on voulait que ça sonne, et on s’est laissé guider en pensant à tel artiste ou tel morceau, pour telle ou telle instrumentation ou pattern de batterie par exemple. Mais c’est plus de l’ordre du détail au final. Et puis j’aime tellement de styles différents aussi, j’ai toujours envie de (me) surprendre dans la manière d’aborder un morceau, de trouver un son... ».

Priscille et Franck confirment ici cette sensation qui refuse de nous lâcher à chaque nouvelle écoute de « Other Voices In Safety Places », celle d’une ambiance sonore tellement insoumise à la moindre référence musicale que puisant dans le visuel (voir, à ce titre, le sublime artwork de Franck inspiré des peintures de Luc Bernad qui visualise parfaitement l’imprenable univers du trio). Ne pourtant pas chercher en Mona Kazu une quelconque trace d’excès arty. Le groupe fonctionne à l’instinct, à la connivence émotionnelle.

Priscille : « En général pour composer, je me pose devant le piano ou avec mon autoharpe, au calme, et je laisse les émotions me submerger pour créer un petit univers. Je puise ces émotions dans des livres, des films, des situations ou des lieux qui m’ont enthousiasmée ou secouée. Je suis une dévoreuse de livres, de films et de séries de tout style et ça alimente forcément mon imaginaire. Nous avons d’ailleurs aussi remarqué que notre musique pouvait se lier à d’autres univers, notamment à la peinture. En découvrant les œuvres de la dernière expo de Luc Bernad (NDLR : www.lucbernad.net), cette idée s’est vraiment imposée à nous, sa ligne résonnait en nous et trouvait un sens. Nous avons discuté de cela avec lui et il nous a aidés à mêler sa ligne à notre scénographie. Franck s’est aussi inspiré d’un de ses tableaux pour la pochette de notre album ».

Franck : « Oui, on est influencé par plein de choses différentes même si ça n’est pas forcément conscient ou évident. L’univers visuel est quelque chose de très important pour moi, ça peut être un paysage, un lieu, une photo, un tableau, une sculpture, etc. qui résonne en moi. »

Et le rock dans tout cela ? Car nous finirions par l’oublier mais Mona Kazu n’hésite guère à sortir la grosse artillerie électrique, mais au bon moment, lorsque le faux calme enveloppe l’auditeur, lorsque celui-ci se croit à l’abri, comme dans les vapes ou dans les bras de Morphée. Il y a chez Mona Kazu une terrible violence sous-jacente, une ambiance parfois inconfortable qui rapproche l’auditeur de certains états mélancoliques, de certains gouffres psychologiques.

Priscille : « Oui, j’assume complètement cette violence sous-jacente, parce qu’elle fait partie de ma personnalité… Les moments de calme succèdent aux moments d’enthousiasme, de coups de gueule. Notre musique est basée sur les émotions, et cela ne peut donc pas être linéaire. Impossible d’être toujours heureux, ou toujours en colère ».

Franck : « De mon côté, j’ai tendance à privilégier une musique nuancée, soit à l’intérieur d’un morceau, soit selon les morceaux. Je préfère jouer sur l’ambivalence plutôt que délivrer une musique univoque. Et générer une friction, une tension où l’explosion n’est jamais loin ».

Rien de hasardeux à ce que Priscille se plaise à citer Girls Against Boys ou Trent Reznor : « J’ai besoin de l’énergie du rock, et il m’arrive d’écouter des chansons en boucles, de manières compulsives, pour laisser cette énergie m’envahir. Par contre, ce n’est pas suffisant, parce que le rock ne laisse pas toujours la place aux nuances, à la fragilité ».

Franck explique ainsi les soudaines déflagrations soniques de « Other Voices » : « C’est une influence très importante et qui est la base de mon implication dans la musique, et reste celle que j’écoute le plus malgré tout. Du coup, c’est assez logique que ça transparaisse dans le son, notamment avec les guitares qui peuvent se faire mordantes, la saturation y étant bien présente (chassez le naturel...) ».

Précisons, l’air de rien, qu’une chanson de « Other Voices » se nomme « Pure Haine »…

Autre point qui, dans la musique de Mona Kazu, brouille les pistes mais, paradoxalement, décuple les sentiments au creux de ces onze morceaux cosmopolites : le passage de l’anglais à l’allemand, puis de l’allemand au français.

Priscille : « La musique vient en premier, donne la couleur du morceau, puis les mots s’ajoutent pour renforcer le sens des mélodies. J’ai remarqué que certaines sonorités de langues s’alliaient plus avec telle ou telle atmosphère. Je relie l’allemand, que je chante d’ailleurs spontanément avec une voix plus grave, à un côté gothique, 18ème siècle... L’anglais pour moi est plus mélodique avec une gamme de sons plus large. Le français me permet de jouer plus facilement avec les mots, d’amener un sens immédiat lié à un peu de poésie. J’aimerais parler plus de langues étrangères et pouvoir avoir de ce fait une palette plus large ».

Et il est vrai que cette accumulation de langues permet à Mona Kazu non seulement de varier les teintes (claires ou obscures, expressionnistes ou romantiques) mais aussi et surtout de créer chez l’auditeur une sensation qu’il ne pourra pas clairement identifier, une sensation qui nécessitera l’appel de son imaginaire intime. D’où notre interrogation : Mona Kazu préfère-t-il s’inspirer de l’imaginaire plutôt que d’opter pour une description réaliste ? Mais là encore, rien n’est si tranché dans l’art du trio.

Priscille : « Oui l’imaginaire est important, le son des mots devance parfois leur sens. En entendant une phrase dans une langue qu’on ne comprend pas forcément on peut déjà s’imaginer une petite histoire, seulement grâce à l’intention prise par la voix. Ceci dit, j’ai aussi besoin d’avoir des phrases qui me parlent, qui ont un sens fort pour moi, qui sonnent comme un leitmotiv. Les textes ne sont pas toujours très gais, peut être parce que la tristesse, la douleur, la haine sont des émotions faciles à exprimer. Mais j’aime aussi parfois donner un sens plus littéral, avec des textes plus revendicatifs, qui peuvent parler de la place des femmes dans une société quelque peu machiste, comme ça, mine de rien ».

Grande marque de générosité dont beaucoup de formations « à messages » ferait bien de s’inspirer : avoir un propos précis, affirmé, revendicatif comme le définit Priscille, mais ne pas chercher à baliser la route de l’auditeur, ne pas lui mâcher des intentions que celui-ci, en écoutant bien, comprendra de lui-même. Au pire, dans « Other Voices », l’auditeur se créera une histoire personnelle en onze chapitres, il accolera son propre imaginaire à la musique du groupe. Qu’importe finalement la compréhension de la langue. Ici, le chant et sa texture vocale font sens.

Reste l’épineuse question du rendu scénique. Groupe complexe aux sonorités pas si évidentes à apprivoiser, comment Mona Kazu restitue-t-il en concert la richesse et l’ambivalence des émotions présentes sur « Other Voices » ?

Priscille : « Nous travaillons beaucoup le live, et avons appris à être ’multifonctions’ pour pouvoir restituer nos morceaux… Chacun de nous joue de deux à trois instruments différents sur scène, ce qui met un peu d’animation et quelques fous rires en répète. Nous avons fait le choix d’amener des sons électro dans nos morceaux et du coup, Franck s’est collé à la programmation, avec un mac qui nous suit en concert ».

Franck : « Étant habitué à travailler des bandes avec un de mes autres projets (Tomek & Baka !), c’est assez naturellement que je me suis mis à considérer les morceaux sous un angle plus électronique et à ajouter en dehors de nos instruments de prédilection (basse, guitare, mandoline, clavier, autoharpe) des rythmiques et autres sons. Cela dit, tous les arrangements ne se retrouvent pas sur les bandes et on laisse la place à un côté plus énergique sur scène, avec notamment des morceaux où l’on joue une sorte de batterie ».

Mona Kazu version électronique ?! C’est peu dire que nous avons hâte d’entendre et de voir cela (au passage, le groupe se produira le 20 juin prochain à Saint Sernin du Bois puis le 13 juillet au Festival Saint Rock La Clayette). Et en effet, en relisant les propos de Franck et Priscille, l’accro à « Other Voices In Safety Places » imagine très bien Mona Kazu poursuivre son chemin en incorporant à son répertoire boite à rythme électronique, sampler et synthés atmosphériques (avec quelques bandes préenregistrées pour donner en concert plus de latitudes, de libertés rock aux trois musiciens).

Car c’est une évidence : Franck, Priscille et Stéphane (le grand discret du trio) sont des curieux, des défricheurs qui ne jurent que par la musique. Des passionnés qu’aucune intempérie ne saurait stopper. Quitte à nuancer les aléas parfois déprimants qui parsèment le quotidien de tout musicien actuel qui se respecte.

Franck : « On ne vit pas du tout de la musique ! C’est par contre depuis le début une passion dévorante qui me pousse à en faire quoi qu’il arrive. Je n’ai jamais pu arrêter de jouer, c’est juste vital. De même que voir plein de concerts, acheter et écouter plein de disques, etc. C’est un carburant au quotidien… Sinon, depuis le temps qu’on est ’dans le milieu’, on a compris qu’il ne fallait compter que sur nous-mêmes pour avancer. Avec des moments de découragement ou d’euphorie ».

Priscille : « La musique me suit tous les jours, soit parce que j’en écoute, que j’en joue, ou qu’elle me trotte dans la tête. Par contre, en vivre, c’est une autre histoire… Malheureusement, les années passées m’ont appris que je devais faire la part des choses et avoir un travail à côté pour pouvoir connaître la liberté de faire la musique qui me plaît, sans contraintes. Toutes les structures qui sont autour de nous et qui nous soutiennent sont des petites structures indépendantes (NDLR : le tout récent label Falls Avalanche Records). Il y a beaucoup de ’fais-le toi-même’ si tu veux que quelque chose se fasse ».

Mona Kazu donc, une autre voix, assurément.

Jean Thooris

10 juin 2013 - Benzine Mag

Mona Kazu avait bénéficié d’une chronique pour son Sunlight EP en 2011. De ce trio, se dégageaient alors deux personnalités aussi fortes que contradictoires : un Franck Lafay, connu pour ses expérimentations sonores avec Tomek et Baka !, et Priscille Roy, anciennement membre du groupe emorock Blumen et chanteuse à la sensibilité à fleur de peau d’une Tori Amos. Le premier, par son traitement sonore, tempérant un peu les envolées lyriques de la seconde. Mona Kazu, c’est un peu la confrontation de ces deux opposés (avec un bassiste servant de liant) ; une rencontre de l’art et la matière dans un nouvel album accentuant encore un peu plus cette particularité. Leurs forces contraires ne s’annulent pas, mais aboutissent à un résultat pour le moins intéressant et un album qui joue avec le feu d’un trop plein d’affect ou d’emphase. Heureusement, les structures des morceaux, tarabiscotées ou en rupture, et les accords, un peu tordus, participent à pervertir le côté enchanté des mélodies et de la voix de sa chanteuse. Mona Kazu apparaît dès lors comme du prog rock dé-ringardisé, de la musique celtique modernisée (sur Until it bleeds), du gothic dé-fétichisé : une vraie entreprise d’assainissement de genres musicaux « à risques » prise dans le tourbillon d’un écheveau complexe de piano, claviers, habillages électroniques, effets de guitares qui fait finalement le style Mona Kazu et sa grande force musicale. Le trio peut évoquer, dès lors, les univers hantés d’Half Asleep (en plus rock), de Blonde Redhead ou de PJ Harvey avec quelques réussites notables (Die Vögel, Hundred Lies, Oslo) et une ou deux ratés (Lorelei, pure haine).

Denis Zorgniotti

12 juin 2013 - La Scène Bourguignonne

La glace et le feu. Souffler le chaud et le froid. Attirer les opposés, juste pour le plaisir de voir ce que cela peut bien donner. Tel semble être le credo de Mona Kazu (Priscille Roy au chant et aux claviers, Frank Lafay aux guitares et aux programmations, Stéphane Gellner à la basse et aux percussions) avec cet album. Le froid des machines, la martialité des percussions, la morsure sèche du son. La chaleur des cordes, qu’elles soient vocales ou instrumentales. L’économie de l’instrumentation face à l’exubérance du chant et au gauchissement des structures.

Le morceau d’ouverture (Drifting) en est le parfait exemple : un début sec sur fond de machine, aussitôt rejoint par un tapis de guitares au e-bow. Et la tension qui s’installe, jusqu’à devenir étouffante. Puis, au milieu du morceau, le basculement vers des plages plus apaisées sur fond de guitares en arpèges. Ainsi va la musique du trio, singulière et attachante. On y croise des morceaux improbables où se téléscopent les influences de Kate Bush période The Dreaming avec le Nine Inch Nails de With Teeth (Sunlight, Until It Bleeds, Die Vögel), des contines hantées du spectre de Tim Burton (L’eau), du rock minimaliste à la PJ Harvey (Hundred Lies), des plages tristes toutes en colère sourde à la Chokebore (Lack Of Beauty, Oslo)... ou carrément en colère (Pure Haine).

Mona Kazu mélange les styles, les langues, sans perdre en cohésion. C’est d’ailleurs quand le groupe oublie de mélanger les ingrédients que la sauce ne prend pas très bien (Pure Haine, trop frontale dans son approche pour vraiment convaincre). Mona Kazu a fait le pari d’une musique audacieuse mais accessible, sensible mais exigeante. Pari réussi.

JP

14 juillet 2013 - Froggy's Delight

Si le nom du groupe associe un mot à consonance italienne et un autre japonisant, le trio Mona Kazu est bel et bien français. Et si l'association d'idées Italie-Japon pouvait évoquer un autre trio en la personne des Américains de Blonde Redhead (la chanteuse d'origine japonaise s'appelle Kazu Makino), là encore rien à voir. Le mystère du nom du groupe n'étant donc pas levé, concentrons-nous alors sur leur musique.

Ce qui frappe le plus et dès les premières mesures de "Drifting", c'est l'impression que rien ne dépasse. Tout est nickel, les différents instruments arrivent les uns après les autres, puis vient ce chant, féminin et très théâtral qui nous plonge dans un univers incertain, entre coldwave un peu à l'ancienne (on pense notamment à Rise and Fall of a Decade) et rock mâtiné de jazz dans l'idée de ce jeu de batterie millimétré et d'électro dans les instruments utilisés.

Le chant est en anglais, français ou allemand brouillant encore un peu les pistes déjà nombreuses quant au style du groupe. C'est souvent très déclamatoire comme pourrait le faire Patti Smith et extrêmement carré dans l'accompagnement musical, ce qui donne parfois l'impression d'un album de musiciens pour musiciens. Mais quand le groupe se laisse aller un peu, on prend alors du plaisir à écouter Other voices in safety places. "Oslo" rompt d'ailleurs le côté théâtral très appliqué du chant en cours de route et la voix devient plus rock et évoque Kim Gordon, malheureusement un peu tardivement sur ce titre de 7 minutes qui part dans pas mal de directions.

Un disque riche techniquement, un peu dur à appréhender de part la construction des morceaux assez atypiques mais qui mérite de s'y attarder le temps d'appréhender toute sa richesse et son éclectisme, le groupe prenant un malin plaisir à brouiller les pistes et mélanger les genres.

David Didier

30 juillet 2013 - Apathie

MONA KAZU est un trio rock émo progressif emmené par la voix prenante de Priscille (chant et claviers). Le trio est composé de la formation de Priscille Roy (chant, clavier, autoharpe), Frank Lafay (guitare, mandoline, programmation, percussions) et Stéphane Gellner (basse, percussions).

Le groupe originaire de Saône et Loire mélange les styles (rock, émo, pop sombre, electro trip hop) et les langues (allemand, français et anglais) avec une grande sensibilité. On peut évoquer des influences telles Pj Harvey (« Let England Shake »), Tori Amos et Émilie Simon.

"Other voices in safety places" est un E.P entre ombre et lumière, où l'ambiance est au centre des compos.

Ange

26 décembre 2013 - Zicazine

Ils ont commencé à se faire remarquer sur la scène bourguignonne avec un premier EP sorti au printemps 2011 et après avoir confirmé avec deux titres de plus un an plus tard, les trois musiciens de Mona Kazu revenaient en avril dernier avec un premier album sorti sur le label « Falls Avalanche Records », un effort sur lequel leurs racines métissées de pop, de rock indé et d’electronica prennent leur véritable dimension. Habitués des planches et des studios depuis un certain temps avec leurs groupes respectifs, Franck aux guitares et programmations, Priscille au chant, aux claviers et à l’autoharpe et Stéphane à la basse et aux percussions ont tout naturellement construit ce projet en direction du live mais n’en ont pas pour autant oublié qu’un bon album est la meilleure des façons de s’ouvrir les portes des salles de concerts, s’offrant pour l’occasion une rondelle qui multiplie les couleurs et qui met un poids phénoménal sur les atmosphères et s’appuyant sur des textes dans lesquels la langue n’est pas une barrière, loin de là. En Anglais, en Français ou en Allemand, Mona Kazu nous propose donc un tableau bruitiste dans lequel les guitares se marient aux boucles et où les programmations nous emmènent de la fraicheur d’un ruisseau à la moiteur étouffante d’un sous-bois dans un habile mélange de spontanéité et de lucidité puisque le trio ne laisse jamais de place au hasard et habille au contraire chaque note de l’arrangement adéquat. Entre lumière et obscurité, entre détails légers et ambiances oppressantes, « Other Voices In Safety Places » s’attache avec une certaine obsession à nous faire passer d’un côté à l’autre de son œuvre, quitte à parfois brusquer l’auditeur un peu trop frileux, mais au bout de la route, on se réjouit forcément de la réussite de titres comme « Lack Of Beauty », « Die Vögel », « L’eau », « Until It Bleeds » ou encore « Soul Mate » qui interpellent forcément tant leur originalité est forte. Attention, la découverte de Mona Kazu n’est jamais sans conséquence…

Fred Delforge